Pourquoi, le doute et les japonais
Posté par tokyomonamour le 1 juillet 2010
Pourquoi ? La question fondamentale… Celle qui fait prendre conscience du doute, du questionnement, de la remise en cause des choses. Sans pourquoi, pas de regard critique sur son environnement, pas de questionnement, pas d’efforts d’imagination. Le doute, c’est un peu comme la mastication : le préalable « sain » à toute digestion.
On m’a souvent fait la remarquer, ici au Japon, que les français demandent toujours « pourquoi ? » avant de demander « comment ? »… Les japonais font plutôt le contraire, ce qui explique sans doute leur grande prédisposition aux travaux techniques et aux opérations de précision. Je suppose que les deux approches ont leurs avantages et leurs inconvénients mais force est de constater qu’une fracture existe entre les tenants de ces deux pensées et que la communication n’est pas toujours aisé entre ceux qui veulent d’abord appréhender la toile de fond et le contexte général, et ceux qui veulent d’abord planifier les opérations de terrain immédiatement.
Cette approche nippone est particulièrement visible au plan historique : Pearl Harbor, une opération militaire magistrale, ordonnée comme du papier à musique mais dont la rationalité était plus que vague… Pourquoi ? But psychologique : faire peur aux USA et les convaincre de pas les faire chier en Asie ? L’analyse de l’ennemi était alors bien superficielle, c’était mal connaitre les américains et leur mentalité…. But matériel : empêcher physiquement les USA d’intervenir en Asie ? Il aurait alors fallut débarquer à Hawaï avec armes et bagages et passer tout le monde au fil de la baïonnette… Bref, le « comment » passe souvent clairement avant le « pourquoi ».
Certains japonais, ayant bien conscience de la faiblesse de cette approche (de la même façon qu’une approche métaphysique uniquement basée sur le pourquoi est parcellaire) tentent de compenser cette situation par une étude des processus de « logical thinking ». Une logique principalement issue de la pensée commerciale anglo-saxonne favorisant la « rationalité » et la clarté dans l’analyse des choses : un but à accomplir, les moyens à mettre en place. Le sous tendant de cette pensée, c’est « la rationalité au service de l’efficacité ». Utile d’un point de vue strictement marketing ou commercial, cette approche, appliquée aux autres domaines de la vie quotidienne crée des biais particulièrement pervers. Ainsi, la question « pourquoi », pourtant au centre de la démarche, est instrumentalisée pour servir un but.
Mais quelle erreur !!!!! Le doute n’est pas au service d’un but, il a une valeur en soi. Le doute ouvre l’esprit, nous enseigne la relativité des choses et des modes de pensée, nous protège contre la propagande et la « pensée unique » et surtout, nous confère la seule chose réellement importante : les bases saines d’un véritable libre-arbitre. Le concept d’efficacité ne doit pas corrompre cette approche car celle-ci perd alors tout son sens. L’efficacité à son utilité mais ailleurs. Il ne faut pas mélanger les genres…
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