Quand Bouddha prêchait le juste milieu…
Posté par tokyomonamour le 22 mars 2011
Je lis beaucoup de textes et d’articles de la blogosphère critiquant la surmédiatisation de la crise nucléaire, le vent de panique causé par les dossiers spéciaux alarmistes des chaînes d’informations étrangères ainsi que le comportement des français ayant fui le « champs de bataille » tandis que les japonais eux, et quelques irréductibles (puisqu’il resterait environ 2000 français à Tokyo sur les 9000 avant la crise) affronteraient avec courage les vagues successives de radiation frappant la capitale…
Evidemment, ce débat est complètement stérile et ne mérite pas qu’on s’y attarde. Chacun fait ce qu’il a à faire pour se protéger et protéger les siens avec les moyens et les informations dont il dispose.
Quelque chose a néanmoins le don de m’agacer, c’est l’encensement du calme japonais…
A J+11 de la catastrophe, avec des niveaux de radiations qui montent dans tout le Kanto, des destructions massives de produits agricoles contaminés et des saloperies de particules radioactives trouvées dans l’eau courante à Tokyo, je constate tout de même que la situation est loin d’être sûre et que les conséquences, surtout sur les femmes enceintes et les jeunes nourissons pourraient être importantes à long terme… Et pourtant!!! La NHK rassure et les japonais agissent comme si de rien n’était, ne prenant absolument aucune mesure de précaution!
Entre alarmisme panique et docilité aveugle, il y a un juste milieu que tout le monde semble avoir oublié durant cette crise… Je suis, comme le disait un de mes amis du sud françois, partagé entre « horreur et admiration ».
Je discutais avec ma femme l’autre jour, des journaux TV et des réactions des japonais lambda durant cette crise, et nous sommes arrivés à la même conclusion… Tout ça rappelle furieusement un conditionnement social de pays en guerre.
Tous les peuples ont les qualités de leurs défauts et inversement. Pourquoi le peuple japonais frappé par la crise a-t-il fait preuve de tant de calme et de docilité? Par ce qu’il a confiance dans le système. Il pense que le gouvernement « gère » la situation et qu’il agit de manière juste et adéquate pour le sauver. Il croit donc logiquement aux communiqués officiels de la NHK et ignore royalement les informations en provenance de l’extérieur. Comme le disait ma belle-mère, « si c’était grave, on nous le dirait »…
Quand les USA instaurent une zone d’évacuation de 80 km autour de la centrale pour leurs ressortissants (et 100 km pour Singapoure), tout le monde s’en fout. Seulement les USA, la première puissance nucléaire mondiale (ils ont « inventé » l’atome, ne l’oublions-pas), savent un peu de quoi ils parlent et ils ne feraient pas le genre de surenchère française par ce que cela mettrait leur allié dans la mouise et emmerderait Obama qui tente de relancer la filière chez lui. Mais voilà, 80 km, ça ferait une zone couvrant la ville-préfecture de Fukushima, la ville de Koriyama, l’autoroute et la ligne de shinkansen desservant tout le nord: on aurait donc plusieurs millions de personnes à évacuer et on isolerait la région du Tohoku du reste du pays en coupant toutes les voies terrestres… C’est une politique impossible en l’état actuel des choses, tout simplement.
Alors je me dis qu’en août 1945, alors que les bombes tombaient et que l’on comptait les victimes par millions, l’Etat-Major japonais diffusait toujours ses messages de victoire… et les japonais y croyaient par ce qu’ils n’avaient pas vraiment d’autres choix.
Publié dans Société | 8 Commentaires »