Le grand écart sécuritaire : Police Française, Police Japonaise
Posté par tokyomonamour le 20 juillet 2010
J’ai eu par le passé l’occasion de participer à des missions d’interprétariat pour le Service de Protection des Hautes Personnalités (SPHP), le service qui fournit gardes du corps et autres gorilles à nos élites politiques en voyage. Un ministre en vadrouille au Japon, un Premier Ministre qui vient en visite officielle ou le Président qui se rend à un sommet international est toujours précédé d’un groupe de « précurseurs » (j’aime bien cette appellation, ça a un petit côté SF) composé de membres de la sécurité rapproché de la personnalité chargé de faire les repérages préalables sur site, de s’assurer de l’organisation des cortèges ou du suivi de la délégation diplomatique.
Lors de ces missions, les « précurseurs » doivent nécessairement composer avec leurs homologues nippons, les SP (Security Police) de l’agence de la police, tant au niveau de la logistique que des opérations sur le terrain. Jamais, et je pèse mes mots, je n’ai vu pareil choc culturel ! Deux cultures de la sécurité complètement antagonistes, deux méthodes de travail, deux approches et deux interprétations complètement opposées d’une même problématique qui est pourtant toujours la même : comment assurer au mieux la sécurité rapprochée d’une personnalité d’importance nationale… Je ne vous surprendrai pas en vous disant que les choses se passent rarement bien entre tout ce joli monde même si, au final, la politesse nippone prend le pas et que tout se termine par un sourire approbateur mais embarassé…
Pour faire court, les français privilégient l’adaptation permanente, le système D, les modifications volontaires de plan pour éviter d’être prévisible. Autant de caractéristiques qu’ils ont acquis d’expérience pour s’adapter au bon vouloir de nos personnalités, pour la plupart capricieuses et refusant de suivre le plan préétabli je suppose. Ils se foutent généralement royalement des recommandations de leurs hôtes et tentent par tous les moyens de ruser le système à leur avantage. Bref, cette mentalité française qui consiste à jouer le système à son avantage (et parfois juste pour montrer qu’on est plus intelligent que ‘tous ces cons qui respectent les règles ») est également présente chez nos policiers. Ça laisse songeur…
Les japonais au contraire ne supportent pas les modifications intempestives, prévoient des plannings à la minute près (Le ministre sort à 14h12 et monte dans la voiture à 14h13… Une vraie mécanique suisse je vous dis !) et sont d’une efficacité redoutable quand ils travaillent entre eux… Pour eux, le système est sacré, les règles établis pour le bien général qui, en fin de compte, prévaut bel et bien sur la volonté individuelle… Mais ils sont complètement largués dès le premier événement imprévu et ont de graves difficultés à s’adapter aux méthodes de travail improvisées de leurs partenaires français. J’en ai déjà parlé dans d’autres articles, les systèmes en vigueur au Japon sont tellement complexes (et efficaces en général), qu’un changement est toujours considéré comme de la chirurgie lourde. Il faut beaucoup de temps et de réflexion avant de franchir le pas.
Ha ! Je rêve d’une police alliant organisation de groupe et flexibilité individuelle, rigueur de méthode et ouverture d’esprit, droiture morale et tolérance humaine… Utopie, utopie…
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