Comme l’explique très bien Wikipedia sama, l’extrême droite japonaise traditionnelle, celle de l’après guerre qui comptait dans ses rangs de nombreux anciens militaires et responsables de l’ancien régime, avait de très fortes connections avec le parti du PLD qui, dans l’immense majorité, partageait les mêmes opinions, à savoir:
- Ne pas lâcher les revendications territoriales sur les îles en litige (Kouriles avec la Russie, senkaku avec la chine et Taiwan et takeshima avec la Corée… Le Japon a des litiges avec absolument tous ses voisins donc…).
- Rejeter le communisme et pour ce faire, faire contre mauvaise fortune bon coeur, et renforcer l’alliance avec les USA.
- Se concentrer avant tout sur le redressement du pays et son développement économique.
L’affaire Mishima en 1970 (Mishima Yukio se fait Seppuku dans les locaux de l’agence de la défense pour protester contre la perte de l’esprit national) lance un nouveau mouvement appelé justement, shin uyoku, avec la Issuikai à sa tête. Ce mouvement se développera de façon non organisée, à travers des associations, des publications (Le magazine Sapio notament, publié en 1987, toujours en activité dans lequel le mangaka Kobayashi Yoshinori publie régulièrement), des ouvrages littéraires et des hommes politiques d’importance (le maire de Tokyo, Shintaro Ishihara, pourrait être classé dans ce mouvement).
Ce mouvement ne met pas nécessairement l’économie au coeur de ses préoccupations, il est plus préoccupé par des questions « traditionnelles » et surtout, nettement moins pratiques, que ses prédécesseurs de l’immédiat après-guerre:
- Recouvrer « l’indépendance réelle » du Japon en rejetant toutes les bases US hors de l’archipel et, ultimement, se doter de l’arme nucléaire afin de parer aux menaces chinoises et nord-coréenne
- Modifier la constitution pour la réécrire de la main du peuple japonais
- Revitaliser le patriotisme des jeunes japonais.
L’ancienne extrême droite japonaise, qui avait fait la guerre, mettait ses idées au service de la realpolitik dans un contexte d’occupation et de guerre froide. La nouvelle extrême droite, représenté par des hommes et des femmes qui ont vécu durant la période de forte croissance économique, se concentre sur des « principes » moraux et des théories de géopolitique toute faite… L’ancienne extrême droite qui a souvent mis ses troupes au service du gouvernement dans sa lutte contre les cellules communistes dans le pays était pragmatique mais « l’idéalisme » national des nouveaux patriotes japonais peut devenir dangereux s’il se répand dans les cercles politiques, toujours teintés du pragmatisme de la doctrine Yoshida.
La conférence des patriotes tenus à Tokyo la semaine dernière avec plusieurs membres de l’extrême droite européenne a montré avec évidence la dichotomie entre les mouvements nationalistes européens qui se concentrent tous sur des questions essentiellement pratiques et immédiates, immigration et bureaucratie européenne, et le mouvement japonais mené par la Issukai, qui professe un patriotisme avant tout moral et une idéologie assez abstraite basée sur des principes (l’empereur, la réforme de la constitution etc.). Je ne pense pas que le Japon ait gagné au changement de générations dans ses mouvements nationalistes et je préférais nettement les anciens barbouzes, ex-militaires associés aux yakuzas, brutaux mais « raisonnables » dans les grandes lignes, que ce nouveau courant de principes qui n’a pas connu la guerre…