Etre immigré
Posté par tokyomonamour le 15 avril 2021
Je suis un immigré.
10 ans, quasimment jour pour jour depuis mon dernier article. 10 ans de vie au Japon, d’une identité bousculée et d’ une conscience identitaire nouvelle. Je suis un immigré français au Japon. Je suis un immigré tout court. Un homme qui cherche pleinement à s’intégrer dans une société étrangère, qui cherche à s’assimiler tout en cultivant son identité de naissance. J’entrevois ce que c’est que d’être juif, libanais ou chinois dans le monde. Que d’être « à la fois » l’un et l’autre: se cultiver dans sa culture de naissance et de jeunesse tout en s’appropriant sa culture de choix.
En prenant conscience de ma condition d’immigré, j’en conçois sa nature et ses devoirs.
1) Respecter les lois et les moeurs de son pays d’adoption
2) S’approprier la langue et les codes culturels de son pays d’adoption
3) Contribuer, par son travail et son activité, à la richesse économique et intellectuelle de son pays d’adoption
4) Cultiver son identité d’origine dans la sphère privée et la transmettre de façon active à ses enfants
5) Faire face à la xénophobie, qui se manifestera nécessairement de temps à autres, avec courage et résolution mais en rejetant tout ressentiment
6) Eprouver de la gratitude pour son pays d’adoption
A travers les années, j’ai vu tant d’étrangers rongés par l’amertume et la haine envers leur pays d’accueil, pensant que c’était aux japonais de s’adapter à eux et non l’inverse. La plupart sont repartis avec le goût de la trahison dans la bouche et le coeur meurtri. D’autres sont restés et cultivent leur ressentiment comme un jardiner cultive son jardin: avec soin et délicatesse, dans un masochisme narcissique destructeur.
J’en ai vu d’autres aussi, ayant décidé d’oublier leurs racines de naissance pour essayer entièrement de s’assimiler. Ils se convainquent qu’ils sont japonais et gomment toute différence entre leur parcours particulier et celui du japonais, le « souchien » comme on dirait ailleurs… Ils finissent cependant par se heurter au regard différenciant, discriminant , qui leur rappelle sans cesse ce qu’ils ne sont pas et ce qu’ils voudraient être. Non, une vie passée à se rêver dans la peau culturelle d’un autre n’est décidemment pas la plus heureuse.
Voilà pourquoi l’immigré, au Japon ou ailleurs, doit être les deux « à la fois ». Fils adopté dans l’espace public et culturel de son pays d’accueil, mais fils naturel dans son espace privé et intime. Seul cet équilibre permet de concilier les difficultés inhérentes au déracinement culturel et linguistique.
Portez-vous bien.
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