Combien de balles dans le chargeur?
Posté par tokyomonamour le 17 novembre 2010
C’est vrai que lorsque j’aborde la question de la démographie japonaise, j’ai peu de choses positives à dire par ce que, tout simplement, y’a rien à dire de bon. La démographie reste, et restera pendant encore longtemps, l’un des atouts de la puissance des Nations (condition nécessaire mais néanmoins non suffisante). Les baisses naturelles de populations, hors guerres et conflits, sont toujours des indicateurs du niveau de décadence d’un pays. La population Russe a baissé pendant 15 ans avant de se redresser, récemment et peut-être temporairement, sous Poutine.
Aussi, je ne vois que déclin dans les statistiques nippones.
Mais tout n’est pas perdu. Car le Japon a encore quelques balles dans le chargeur de son T89 (belle pièce de technologie locale injustement méconnue).
Je discutais l’autre jour avec un asset manager de la situation de l’immobilier au Japon et de l’impact de la politique d’immigration du pays sur le marché de la transaction. Alors qu’il me disait que le marché japonais tokyoite était en bonne condition, j’allais répliquer en lui lançant les futures évolutions de populations dans la région de Tokyo et le sakoku social qui se préparait… et j’ai réalisé… J’ai réalisé la chance du Japon. Par ce que même si l’archipel est dans une situation difficile, à la différence de la France, il a le luxe du choix. Un choix qu’il pourra exercer travers deux principaux leviers: la fiscalité et l’immigration.
Le Japon impose une fiscalité moitié moins importance que la France (informations officielles de l’ambassade de France. Certifiées sans fraudes) et une TVA de 5%… En cas de besoin, il y a une énorme marge de hausse. L’argent, c’est le nerf de la guerre.
L’immigration est contenue à moins de 2%. Ça veut dire là aussi, que la marge de hausse en cas de besoin (main d’oeuvre dans l’agriculture, les soins, les services etc.) est très suffisante et que le Japon pourra gérer une population étrangère maintenue à un niveau relativement faible pendant encore quelques décennies.
J’évoquerais un troisième point également à ne pas négliger. L’esprit national. Cet esprit de groupe qui reste encore fermement ancré dans les mentalités malgré une jeunesse individualiste… Une simple réorientation politique suffirait à remettre tout le monde au pas comme un seul homme! Sous une direction politique compétente, c’est un atout sans pareil.
Malgré sa position qui peut sembler pour le moins « inconfortable », population en baisse, dette publique en hausse, exécrables relations avec la future 1er puissance du Globe qui est aussi sa voisine, le Japon a donc encore quelques munitions à tirer.
Et comme on dit, tant qu’il y a des balles, il y a de l’espoir.
raisonnement à l’envers intéressant !
c’est vrai que nous n’avons aucune de ces marges de manœuvre…
Tu sais qu’ici au Japon, on marche la tête en bas, alors les raisonnements à l’envers, on connait…
En France, il n’y a effectivement plus aucune marge de manoeuvre, ni au niveau fiscal, ni au niveau immigration, ni même au niveau politique. L’Europe est le seul horizon des gouvernants, le seul, par ce qu’il n’y a aucune autre option. L’UE n’est plus un choix, c’est une nécessité et bientôt, un carcan.
si l’Europe est une nécessité, j’en serai presque ravi, lassé de ses envolées nationalistes, de la défense de son petit pays tout rabougri alors que l’avenir passe (me semble-t-il) par une Europe fédérale
Entièrement d’accord avec toi sur les deux options que la France n’a pas, à savoir une marge sur la fiscalité et l’esprit national, mais je resterais plus mesuré en ce qui concerne l’immigration.
D’abord, maintenir la croissance démographique grâce à l’immigration, ce n’est pas quelque chose de magique. J’ai lu un rapport très sérieux d’un service de la commission européenne qui disait, en se basant sur les tendances actuelles de natalité, qu’il faudrait un afflux d’au moins 30 à 40 millions d’immigrés pour maintenir le niveau et la structure de la population européenne inchangés d’ici à 2050. Je ne sais pas si des études sont disponibles, mais les chiffres devraient être à peine dégonflés pour le Japon, et quand on voit la réaction identitaire de la suisse, ca laisse songeur!
Car l’intégration à la japonaise est totale, exclusive, et certes très efficace, mais malheureusement pas applicable à grande échelle. L’esprit national japonais ne laisse pas la place à la pluri-identité, et c’est pourtant la clé de la réussite. Quand on voit le ressentis des immigrés d’un coté, et la réaction de la population de l’autre, dans un pays comme la France, ca ne laisse que de très mauvaises perspectives pour ce chère pays de l’origine du soleil. Ça a pris des années à la France pour intégrer ces populations et aujourd’hui encore tout n’est pas rose, loin de la, alors le Japon qui commence seulement à émettre l’idée d’un recourt massif à l’immigration … aie aie aie!!!
La France a 70 ans d’avance, une conception de la nation qui permet l’intégration en masse de n’importe quelle population du monde, si si, croyez moi, dans 30 ans on ne fera même plus attention à la présence de noirs, d’arabes, et d’asiatiques, et notre pays n’aura pas vendu son âme pour autant (Est-ce envisageable de voir un jour une « miss Nagoya » d’origine centrafricaine ?) La France est un pays mou, on le sait tous, les changements sont lents et laborieux, mais ils se font. Que va piano va sano. Et surtout, la France n’a pas d’unité ethnique, et l’unité linguistique est toute récente à l’échelle de la nation.
Ce territoire a toujours été marqué par des flux constant de populations (Burgonde, Visigoths et autres populations venue de l’est, puis les francs, les celtes… et plus récemment les vagues d’immigration belges, allemande, italienne, portugaise, espagnole, magrébine, africaine …) Bref, plus personne n’est gaulois quoi ! Et aujourd’hui l’identité française n’a pas d’unité, elle n’est pas figée, et a toujours évoluée, c’est plutôt une somme de cultures régionale fortes (Bretons, Savoyards, Provençaux, Corses, Alsaciens, Basques, Normands …) diluées malgré elles dans la macrocéphalie parisienne.
L’afflux d’immigrés n’est donc pas une menace pour notre identité culturelle, contrairement au japon (et quand on voit le triste sors réservé aux Aïnous ca fait peur). Par contre une immigration mal gérée peut en être une pour la cohésion sociale et nationale, mais la encore, contrairement au japon, le plus dur n’est pas entièrement devant nous.
Dans un article précédent, tu demandais qu’on te démontre que l’espoir est encore possible pour notre cher pays, eh bien check this out ! Cela dis, ca ne m’empêchera pas de m’expatrier au japon, pour une durée encore indéterminée
Oxmo-san, Anthropologue, Ethnologue, Economiste et Démographe en herbe. En toute modestie.