Quand les morts doivent payer le nettoyage… Suicide et immobilier
Posté par tokyomonamour le 6 octobre 2010
C’est connu, le Japon a un des taux de suicide les plus élevés au monde, en 9ème position selon l’OMS, derrière des pays d’Europe de l’est, Belarus en tête (à croire que vivre dans un pays pauvre, en dictature et avec un climat de merde donne pas envie de vivre…) , le Sri Lanka ou la Guyenne. Avec 31 000 suicides par an, un niveau à peu près stable stable depuis les années 2000, le Japon a donc proportionnellement plus de suicides que la France, qui tourne aux alentours de 11 000 par an.
Maintenant, quel rapport peut bien avoir ce phénomène social avec le marché immobilier?… Il se trouve que l’association nationale des familles des personnes suicidées a décidé de présenter prochainement une demande au Ministère des affaires intérieures et de la communication pour que celui-ci propose un projet de loi visant à protéger les héritiers de personnes suicidées des attaques des propriétaires des biens locatifs dans lesquels l’acte a eut lieu.
En effet, un bien « souillé » par un suicide perd immédiatement une grande partie de sa valeur locative, voir la totalité quand, dans les provinces, il est impossible de le relouer car tous les habitants du quartier font courir le bruit de la sinistre affaire. Certains propriétaires bailleurs profitent du désarroi des familles et demandent donc aux héritiers des dommages et intérêts pour la perte de valeur locative (sous forme de frais de « nettoyage » souvent…) qui peut parfois s’élever à plusieurs dizaines de millions de yens alors que d’autres incluraient même une clause de bail supplémentaire précisant que tout suicide entraînerait un dédommagement financier!
En 2008, dans le département de Kanagawa, un propriétaire à demandé 5 millions de yens à la veuve d’un suicidé (l’affaire s’est soldé par un compromis à 2 millions). Dans cet autre cas, dans le département de Miyagi, l’entreprise immobilière à fait irruption lors des funérailles pour menacer les héritiers et les contraindre à payer des dédommagements (ça pue les méthodes yakuzas qui pullulent encore dans le secteur immobilier nippon)… La plupart du temps, ces affaires se règlent à l’amiable mais occasionnellement, le conflit est porté devant les tribunaux.
Le site de prévention des suicides de Miyazaki présente le cas d’une décision du tribunal de Sendai ayant condamné, en mars 2010, le veuf d’une suicidée à payer 2 millions de yens car le suicide aurait causé une baisse estimée de 10% « de la valeur du terrain » et obligé le propriétaire à effectuer une opération de démolition-reconstruction pour « laver » la souillure occasionnée.
C’est vrai qu’un suicide, c’est une mauvaise nouvelle pour le loueur. Les japonais sont des gens très superstitieux malgré toute leur technologie et leurs gadgets high tech, et aucun de ceux à qui j’ai demandé ne voudrait habiter un de ces appartement même contre un bon rabais… Mais quand même, cette décision de justice fait froid dans le dos…
Jusqu’à quel point peut-on demander aux survivants de porter la responsabilité des morts? Le Japon est certes l’un des foyers du consumérisme individuel le plus débridé mais il conserve toujours, dans son système social et juridique, la prépondérance des liens familiaux sur les individus isolés. Si vous décidez d’en finir avec la vie, faites-le donc au fond des bois, vos héritiers vous remercieront…
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