Cabaret
Posté par tokyomonamour le 27 octobre 2010
J’ai toujours pensé qu’il y avait deux critères objectifs permettant d’évaluer mon véritable niveau de japonais. L’humour et l’alcool.
Humour
Comprendre les manzai, rakugo et autres humouristes populaires des émissions télé. C’est l’un des meilleurs standards d’évaluation de votre niveau de compréhension linguistique et culturel. J’ai personnellement passé la plupart des obstacles du « rire » il y a environ 2 ans et suis maintenant capable de comprendre pourquoi tout le monde rigole bêtement autour de moi devant Matsumoto et consorts (même si ça ne me fait pas toujours rire moi-même).
Alcool
Simple et facile à appréhender: suivre une conversation en japonais dans un izakaya bondé avec 3 bières dans le buffet. Objectif atteint il y a environ 3 ans.
Alors hier soir, pour ce RDV à Ginza avec un un professionnel de l’immobilier rencontré sur les bancs de ma juku, j’étais confiant, au moins en ce qui concernait l’aspect communication. Big mistake… Il faut toujours confronter ses critères d’auto-évaluation à de nouvelles situations, cela évite de s’endormir sur ses lauriers et de prendre l’air blasé du baroudeur expat complètement con.
Le Kyabakura (contraction du français cabaret et de l’anglais club) est une sorte de bar à hôtesses de luxe. Nés pendant la bulle-époque à Ginza, puisant dans la tradition des ryotei et des maisons de plaisirs d’Edo, ils se sont peu à peu répandus dans les autres quartiers chics de Tokyo pour pénétrer les banlieues dans les années 2000. Bouteilles réservées, une hôtesse par client, un service irréprochable (même selon les critères japonais!) et des factures qui montent vite à 200 000 ou 300 000 yens pour quelques heures. J’en avais entendu parlé, quelques collègues m’avaient demandé à 2 ou 3 reprises de les accompagner, mais dépenser un mois de salaire juste pour quelques verres et une discussion avec une jolie fille ne m’a jamais vraiment botté.
Hier soir par contre, j’étais invité alors… Ginza 5 chome, pas loin du Sony Building, un bar en sous sol, une mama francophile et 3 hôtesses de charme, plutôt une bonne ambiance. Idéal pour découvrir ses limites… Au cinquième verre de Macallan, gracieusement rempli au quart de tour par les jolies jeunes filles papillonant dans la pénombre, j’ai commencé à avoir du mal à suivre les blagues très 80′ des participants (moyenne d’âge à 50 ans), puis on a lancé le karaoke à 60 dcb et là, entre les conversations de business à 8 zéros (ou plus, je sais plus trop), les chansons torturées par mes voisins et les oeillades aguicheuses de Kikuyo (oui, gentille comme tout, elle m’a donné sa carte), j’ai décroché…
Une fois mes limites linguistiques atteintes, ce sont mes limites culturelles qui ont été testées: malheureusement pour moi, je ne connais aucune des chansons traditionnelles mièvres et nasillardes japonaises d’après guerre, alors quand le micro est arrivé sur mes genoux, j’ai honteusement passé mon tour. Ne vous méprenez pas! Le Karaoke en lui-même est une épreuve surmontée depuis longtemps, c’est la nature de mon entourage qui m’a laissé sur le carreau… Chikusho !!! Je savais bien que j’aurais du apprendre le golf et le récital des 70′ dans le cas où j’aurais eu l’occasion de fréquenter les milieux d’affaires bling bling tokyoites. Gouverner c’est prévoir… Ce WE, je m’y mets.
et bien voila, après les jeunes gaijins vont encore passer pour des faibles du genou, tout ça parce qu’ils ne tiennent pas assez l’alcool à coté des cinquantenaires nippons.
par curiosité, les filles étaient elles japonaises ou plutot « importées » ?
faut réviser la variet’ japonaise des années 80 …
Pas facile de rentrer dans la communauté des super héros…..
aller courage il doit bien y avoir une radio nostalgie nippone.
J’ai une question bête à poser:
Est-ce qu’un japonais d’une trentaine d’années n’aurait pas eu les mêmes difficultés ?
Je veux dire : il y a un moment où on cotoie à la fois des différences culturelles et des différences générationnelles. Il est très difficile pour un expat d’avoir un « vécu » de certaines choses.
A titre d’exemple : je suis expatrié en France depuis 9 ans. J’ai une maitrise de la langue et de la culture qui font que je passe sans soucis pour un français né en France. La plupart des gens à qui j’annonce que je suis arrivé en France à 19 ans ont du mal à me croire. Pour autant, je vois souvent les limites de ma culture « française ». Avec les gens de mon age, on a les mêmes références car j’ai eu l’occasion, jeune, de regarder la même télé, même si je n’étais pas en France. Ainsi, tout ce qui concerne le club Dorothée ainsi que les conneries autour n’ont aucun secret pour moi. J’en arrive au point où je discute avec des potes du malaise que pouvait provoquer l’émission Téléchat sur un enfant : que des sensations impossible à vivre à l’age adulte, car on a une autre vision plus détachée.
J’imagine ma compréhension de la culture française si jamais je ne connaissais ni Club Dorothée, ni Téléchat, ni Jacques Martin, les inconnus, ou encore I AM, et je me dis : ce serait très dur d’avoir une vision aussi complète.
Malgré tout cela (avoir été bercé par la langue française depuis l’age de 6 ans, et avoir eu le même backgound en ce qui concerne la télé), je continue à apprendre de nouvelles références « culturelles » et linguistiques. Ainsi, je n’ai toujours pas regardé certains classiques cinématographiques français tel que « La cité de la peur » et il m’arrive de pas comprendre des blagues qui font référence à ce film. De même, je continue encore à apprendre des mots d’argot très peu utilisés ou dépendant des régions.
Maintenant, je remets ton exemple dans le contexte, et je me dis que c’est déjà extraordinaire ton niveau de maitrise : Le Japon est un pays au background culturel complètement différent de la France. La langue a des subtilités qui cherchent leurs sources historiques dans plusieurs siècles passés. Les fondements même de la façon de penser japonaise n’ont rien à voir avec la façon française.
Je respecte tout à fait ton perfectionnisme sur la question, mais je doute qu’au Japon ce soit possible d’avoir une compréhension quasi-parfaite de la langue et des références culturelles. Ton niveau actuel est déjà extraordinaire. Perso, je suis loin de tout comprendre au jeune français bourré, il faut dire que ne pas boire soit-même, ça aide pas .
Morale de l’histoire : si tu n’as pas eu de moments de solitude profonde pendant cette soirée, c’est déjà pas mal. Tu passeras le bonsoir à Kikuyo de ma part
Très sympa ce petit article « personnel ». Il m’a bien fait rire (on visualise bien la scène )
Soit c’etait un kabakura de luxe, c’est Ginza tu va dire, soit c’etait plutot un « lounge », ou c’est generalement plus classieux avec des femmes d’ages un peu plus mur.
Pour moi, d’apres mes longues experiences et conversations avec des japonais, le kabakura c’est pas aussi cher (meme si ca reste cher pour juste regarder) et c’est pas le meme service non plus.
J’ai eu l’occasion d’aller dans des « lounges » a Ginza et a Fukuoka (je reprends le denomination qu’on utilise les japs avec qui j’y etait alle), tu sentait que c’etait le level up par rapport a un kabakura. Les femmes sont plus murs, sexy sans etre provocantes, le cadre est plus travaille et moins bling-bling, etc…
Le kabakura c’est plus attrape couillon, avec la fille qui te file sa carte en te mettant son numero de tel dessus genre « Je suis hotesse mais toi t’es special alors j’te file mon tel » alors qu’elle a un portable special pour le boulot.
Enfin bref, c’est peut-etre jouer sur les mots pour un francais, mais pour les japs, tout du moins pour ma copine (xD) c’est pas la meme chose.
Et perso, quitte a claquer de la maille, je prefere chanter du Matsuda Seiko a une Obachan de 50 ans qui va verser sa petite larme, ne s’attendant pas qu’un gaijin lui rappelle sa jeunesse en chantant, que d’ecouter une meuf de 20 ans qui vient d’hokkaido sans le sous et qui fait ca en baito pour tout claquer au Atom Club de Shibuya le lendemain soir.
Enfin bref (bis), t’as l’air d’etre tombe dans un bon endroit, mais avec le « ippan » kabakura y’a un monde de difference
PS: Toujours bon d’avoir en botte une chanson ou deux de « salaryman », par exemple le classique « Ai ga umareta hi », tres prisee des salaryman de Ginza, que tu pourras chanter en duo avec la Obachan de ton lounge/kabakura de bourgeois (laisse tomber avec les moins de 40 ans hein). La t’es sur de faire mouche.
@AP
Mou du genou, mou du genou… J’aimerais bien t’y voir! Ha!Ha! Mais ne t’inquiète pas, j’ai sauvé l’honneur en évitant de rouler sous la table. Quant aux hôtesses de bord, elles étaient toute du cru. Un bon service à la jap doit être fait par des jap. Si on va en banlieue, on trouve plus facilement des bars à chinoises ou philippines, à Tachikawa par exemple Plus populo mais aussi plus abordable…
@BN
Faire du golf dans centre d’entrainement « entoilé » (http://www.meijijingugaien.jp/sports/golf/) en écoutant le nostalgie local… C’est une sorte de cauchemar ça. Je ne suis pas sûr d’être prêt à me lancer dans la super aventure tout de suite en fait. Préparer mon costume avant, mes super gadgets et trouver un ou deux sidekicks qui écouteront Nostalgie à ma place surtout…
@Momix
Salut Momix, ça fait un bail.
Merci de me rassurer. Effectivement, un jeune japonais aurait eu également sans doutes quelques difficultés à suivre et, en tant qu’expat, il est pas toujours facile de comprendre le background culturel commun, celui que l’on ne trouve pas dans les manuels mais que l’on accumule à travers les années, à l’école, avec ses parents ou devant la télé. Je suis heureux de voir que même toi, qui est un immigré de longue date, tu as encore du mal à tout suivre.
« Je respecte tout à fait ton perfectionnisme sur la question, mais je doute qu’au Japon ce soit possible d’avoir une compréhension quasi-parfaite de la langue et des références culturelles. Ton niveau actuel est déjà extraordinaire. »
Ouai, c’est vrai que je déchire en jap (en toute humilité). Mais quand tu veux pénétrer un milieu professionnel qui n’a rien à voir avec la langue ou avec l’étranger, la langue est une donnée évidente. Parler 100% japonais, c’est une condition nécessaire et préalable, un outil à maîtriser, rien de plus. Après c’est avec les connaissances et les relations humaines qu’il faut faire la différence. Et là, c’est une autre paire de manche…
Sinon, je doute revoir Kikuyo un jour mais je tiens sa carte à ta disposition quand tu passeras à Tokyo . Et prévois un budget « frais divers » conséquent.
@Shinmanga
C’est un plaisir.
@Dindon
“Ai ga umareta hi”… Merci pour le tuyau, je prends note. De la part du night clubber averti que tu sembles être, je devrais récolter le succès escompté avec les vieux (et les vieilles aussi bien sûr, mes préférées)
Pour le voc, j’ai souvent tendance à simplifier. J’ai mis les lounge, hostess bar, kyabacura et kaiin club dans le même sac. L’autre soir en l’occurrence, c’était un kaiin club (« club réservé aux membres » à 30 000 yens le verre de Whisky… Je suis allé voir leur site après). Quant aux filles qui te donnent leur carte de visite, ce qui effectivement se fait, c’est avant tout pour avoir la tienne.
Au moment de quitter le club, la mama a présenté la facture au salary man qui invitait. Il a signé et quand il a tendu le papier, la mama lui a dit tout sourire, « on l’enverra à votre entreprise, nous avons votre carte »… Whaaa… Moi qui croyait que toutes ces habitudes de bulle et les budgets invitations avaient été comprimé! Faut croire que c’est pas le cas pour tout le monde et qu’il y a encore des thunes qui tournent dans la troisième (salauds de chinois) économie du monde.
Hola grand Dieu, je ne suis pas un night cluber, je n’ai jamais foutu les pieds dans une boite de nuit au Japon. Par contre bosser a Ginza permet de finir quelques soirees dans des lounges/kaihin club/etc… vu que le quartier en est blinde.
J’ai la chance (?) d’avoir un boss qui ne connait que Ginza, genre ca fait 10 ans qu’il a pas mis les pieds a Shibuya (sur la meme ligne de metro pourtant), ce qui fait que quand on sors ensemble, on fini toujours dans des bons lounge, avec la bouteille a son nom deja prete, endroit plutot petits donc calme.
Si tu as l’occasion, je garde un souvenir memorable du « Yamazaki » a Ginza. Ca ressemble a un bar/restaurant, sauf que les serveuses tapent la discu au client de l’autre cote du comptoir. Un melange de lounge et de bar/resto en gros. En fait je ne me rappelle plus de la nourriture, mais surtout des serveuses :love
“Ai ga umareta hi” c’est pas que je l’aime vraiment, elle s’ecoute sans probleme au karaoke quand c’est ton boss qui chante, mais bon c’est plus pour le social que pour le plaisir de chanter que c’est bon a connaitre.
Ah sinon question plus « serieuse », ca ne te fait pas halluciner de voir des immeubles de 10 etages, avec 3/4 bars/resto/kabakura par etages, avec pour seul indication en exterieur qu’un simple panneau perdu parmis milles autres ? Genre comment ils font pour attirer le client ? Simple bouche a oreille ?
Je pense que les lounges et autres kyaba de luxe ne cherchent pas à attirer le chaland avec leurs enseignes. Ils ont une clientèle trop ciblée qui vient principalement par le bouche à oreille et, éventuellement, le net.
Par contre pour les autres… C’est vrai que je me suis posé la question pour tous ces magasins en étages et aussi pour tous ces restaux dont tu ne vois pas l’intérieur depuis la rue, dissimulés par un noren ou des vitres en verre fumée. Honnêtement, ça pousse pas nécessairement à rentrer (rebrousser chemin est toujours un peu délicat, surtout quand le patron a déjà lancé son irrashai. Se barrer alors, c’est comme lui dire qu’on aime pas l’ambiance de sa taule) mais ça ne dérange pas les japonais plus que ça, au contraire, le côté intimiste est souvent apprécié (pareil pour les koshitsu). Je pense qu’il y a un facteur traditionnel qui joue: les bars et restaux nippons ne sont pas ouverts sur l’extérieur, ils sont repliés sur leur espace intérieur. Avant le bouche à oreille était l’arme ultime, maintenant, il y a les SNS, les kuchikomi et toutes ces formes de partage de l’info dont les japonais sont friands. Mais ce ne sont en fait que des méthodes modernes appliqués à des comportements de consommation ancien (Edo, toujours elle…).
Un an et quelques plus tard : Matsuken samba powaaaaa !