Samurais et Chevaliers: Même combat

Posté par tokyomonamour le 30 août 2010

Ma première expérience d’interprétariat simultané fut un véritable enfer. Printemps 2005, département de Chiba au musée départemental… Ma partenaire m’a lâchée 10 mn après le début de la prestation en état de panique avancée (c’était elle aussi sa première expérience) et j’ai du me taper les 8 heures restantes tout seul, dans les deux sens, japonais et français. Un vrai traumatisme… Bref, le thème de cette première mission: un colloque de chercheurs sur l’histoire médiévale comparée de l’Europe et du Japon.

En gros, le séminaire tournait autour des comparaisons entre châteaux médiévaux japonais et européens, codes du chevalier et bushido, armements avec la symbolique de l’épée et du katana… Un contenu vraiment intéressant. Mais le problème avec l’interprétariat simultané, c’est qu’on ne se souvient plus très bien de ce que l’on a traduit après coup. C’est dommage par ce que j’aurais sûrement eu bien plus de choses à  dire si mes neurones mémoire avaient fonctionné en fonction stockage de données. Mais bon, je me rappelle de la conclusion quand même: énormément de similitudes entre l’histoire des systèmes politiques et des classes guerrières… Tant au niveau de la naissance de la classe guerrière en opposition à un pouvoir central, de sa structuration autour de fiefs indépendants puis de leur union sous la férule d’un « Roi », de la mise en place d’un code de conduite commun permettant de sacraliser la fonction guerrière de commandement, de la symbolique de l’épée comme arme mystique (symbole de la croix chrétienne pour les uns, de l’âme immatérielle pour les autres) et de plein d’autres trucs que j’ai malheureusement oublié.

Sans se limiter à l’ère médiévale, les similitudes socio-historiques entre Europe et japon sont frappantes. L’extraordinaire développement du Japon durant l’ère Meiji (Le Japon fut le seul pays d’Asie et même dans le monde, ayant réussit à suivre les pays européens dans leur développement industriel et colonial) se basait ainsi sur 2 phénomènes majeurs partagés avec l’Europe.

- La naissance d’une classe guerrière dominante ayant supplanté les gestionnaires de l’empire pour prendre le pouvoir et imposer ses valeurs. Au Japon, elle nait à la fin de l’époque de Heian (12ème siècle), à peu de chose près (1 ou 2 siècles quoi…) au même moment qu’en Europe.
- La naissance d’une bourgeoisie forte durant l’époque d’Edo (17ème/19ème siècle) soit au même moment que dans la majeure partie des pays de l’Europe occidentale, ayant donné naissance à quelques unes des plus grandes maisons de commerce et Zaibatsu (Mitsui, Sumitomo) perdurant jusqu’à nos jours.

Ce n’est donc pas un hasard si le Japon fait aujourd’hui parti des pays industrialisés, ce n’est pas un hasard s’il a mené une politique coloniale l’ayant conduit dans les méandres sanguinaires de la politique mondiale et ce n’est pas un hasard non plus si, à l’instar de nombreux pays européens, il entre maintenant dans une douce décadence en laissant la place à d’autres pays qui eux, n’ont pas suivi la même voie, d’autres pays qui sont peut-être plus adaptés aux mouvements de l’époque, aux nouvelles technologies et à « l’air du temps »… Le Japon a suivit l’Europe dans son expansion mondiale, il la suivra également dans sa chute.

Quant à la question, cruciale s’il en est, de savoir qui est le plus fort entre le chevalier normand en armure de plates brandissant son espadon et le samurai de Kamakura en armure de cuir bouillie et cotte de mailles assortie jouant du katana… Je ne crois pas que la question ait été abordée durant ce colloque très sérieux, mais à mon avis, il n’y a pas de doutes: le samurai pète les dents au normand.

8 Réponses à “Samurais et Chevaliers: Même combat”

  1. AP dit :

    Quelle belle fin pour ce pauvre chevalier normand…

  2. SBR dit :

    Peut-être, mais d’un hippopotame japonais et d’un éléphant normand, qui serait le plus fort ? :-)

  3. Momix dit :

    C’est bien la première fois que je vois quelqu’un faire ce parallèle, mais il est vrai qu’il ne manque pas de pertinence ! Ce que je gardais jusque là, concernant l’ère Meiji, c’est plus une vision d’ouverture d’un pays qui vivait jusque là en autarcie quasi-complète, à part une influence chinoise forcée par des siècles de rayonnement culturel chinois.

    Par contre, concernant le développement, ne serait-ce pas justement l’influence des européens directement qui ait poussé le Japon à se développer et à s’étendre l’extérieur?

  4. BN dit :

    Moi je dis le normand il avait un bouclier lui……….ce qui change la donne en formation tactique.

    et toc!

  5. tokyomonamour dit :

    @AP
    Ouais, mourir sous la botte secrète d’un samurai, c’est effectivement un honneur. Faudra pas oublier de le dire au normand en question une fois qu’il aura le bide ouvert et les tripes à l’air :)

    @SBR
    Les animaux, c’est pas mon domaine mais j’ai personnellement une préférence pour l’hippopotame.

    @Momix
    Les gens ne font généralement pas le rapprochement par ce que la période de sakoku a, en apparence coupé l’archipel du reste du monde. Mais le Japon n’a absolument pas suivi la même voie que la Corée voisine, le Royaume hermite, qui elle pour le coup était réellement repliée sur elle-même.
    Le Japon n’a jamais été complètement coupé du monde lui, grâce au comptoir hollandais de Dejima notamment. L’évolution sociale interne du pays, la naissance d’une bourgeoisie et d’une infrastructure scolaire importante (Edo avait un réseau d’école privés très important pour les samurais et les riches marchands) a permis la construction d’un « fond » ayant les mêmes caractéristiques que l’Europe. Tous les pays asiatiques ont été confronté à l’envahisseur européen mais seul le Japon a connu cette expansion phénoménale.
    Les européens ont été effectivement le facteur déclencheur mais les facteurs fondamentaux étaient déjà présents dans le pays.

    @BN
    Le pavois normand, c’est uniquement bon pour du statique. Le maniement du katana, qui est une épée bâtarde rappelons-le, est basé sur le mouvement. N’oublions pas le vieil adage, « la Guerre, c’est la mobilité »!

  6. lolo dit :

    Oui, enfin c’est oublier que le chevalier normand a, par définition, un allié de poids approchant la tonne : son cheval ! Autant de chance de se faire piétiner par la bête que de gouter à l’arme du cavalier…

    Toujours est-il, la comparaison chevalier/samurai, même si elle est très tentante par ce qu’elle suscite dans les imaginaires de chacun, me semble assez casse-gueule. Mais il reste toutefois toujours intéressant, dans le contexte japonais, de voir et comprendre ce qui est plutôt endémique et ce qui relève de l’influence extérieure.

  7. Lionel Dersot dit :

    Est-ce que votre profession est celle d’interprète? Votre expérience m’intéresse, pas pour vous demander du travail, ne vous inquiétez pas. Je vous propose d’en discuter. Mes coordonnées sont sur mon site.

  8. tokyomonamour dit :

    @Lolo
    Bien sur que le débat Samurai/chevalier, c’est pas sérieux, mais ça fait tellement plaisir… Pour en rajouter une dans cette controverse fantasmatique, si le chevalier à un allié de poids effectivement avec sa monture, le samurai lui en à un autre: son arc. Car les armes de distance étaient bien vus dans le code du bushido alors qu’elles étaient considérés comme des armes de lâches dans celui de la chevalerie… Ca a conduit à Azincourt et au résultat que l’on sait…

    Par contre, la partie concernant les points communs dans la montée d’une classe guerrière dominante en Europe et au japon est elle, on ne peut plus sérieuse. Ca ne peut pas être une coïncidence que les seuls pays ayant réussis leurs révolutions industrielles aient été les pays ayant connu une dominance guerrière féodale, puis une unification royale (ou shogunale) avec la montée d’une bourgeoisie urbaine.

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